Interview Anouck

Qu’est ce qui t’a amenée à t’engager dans cette aventure? Combien de temps y as tu participé?

Je suis originaire de Saint-Etienne et m’y suis réinstallée en 2018, après 6 ans de vie ailleurs dont un long voyage en Amérique du Sud. J’ai fait du bénévolat dans des fermes agro-écologiques et cela m’intéressait de travailler dans le secteur de l’ “alimentation durable”. J’avais déjà dans mes bagages une expérience de travail en gouvernance partagée et en économie sociale et solidaire. En revenant à Sainté, j’avais envie de m’impliquer dans un projet collectif et humain, qui favorise le développement des circuits-courts, le soutien aux producteurs, la recherche d’un prix juste… 

Une amie était investie dans la construction de la Fourmilière à l’époque, parfait ! 

J’ai 4 ans de Fourmi au compteur : j’ai mis une main, un bras en tant que bénévole, puis en tant qu’alternante dans le cadre d’une année d’étude à l’IRUP en gestion de projet et entreprise de l’ESS. J’avais plus envie d’être à La Fourmilière que sur les bancs de l’école ! Et puis on a décidé de m’embaucher en tant que deuxième salariée sur les sujets de participation bénévole & développement de projet coopératif.


2) Quelle évolution as-tu perçu pendant ces années? Comment la vois-tu pour l’avenir ?
Je suis rentrée à La Fourmilière au moment où on lançait la coopérative, 8 mois avant l’ouverture du magasin. Alors pour l’évolution… je n’ai vu que ça ! 

Avant l’ouverture, chaque nouvelle Fourmi intégrait une commission à leur arrivée pour faire grandir le projet et faire en sorte que l’on soit prêt•es à ouvrir en avril 2019. Ca a été un sacré rush d’organisation et de coordination des énergies pour que le local soit prêt, les gammes, le planning… et qu’on ait les finances et le nombre de coopérateurs. 

Une fois le magasin ouvert, les Fourmis se sont engagées sur les créneaux et puis le magasin et ses process se sont construits, au fur et à mesure, en expérimentant. 

On a fait en sorte de structurer tout ça, et là paf, Covid. Ca a demandé beaucoup d’adaptation à tout le monde, plein de Fourmis se sont investies et ont cru au maintien du projet.

J’ai l’impression que les habitudes ont beaucoup changé à ce moment-là et on a vu les limites du projet, certaines ont changé de vie et sont parties. Le bénévolat de 3h par mois, c’est pas si simple pour tout le monde. Et puis la vision militante du début s’est perdue au fur et à mesure du projet et du départ des fondateurs. Le Covid n’a pas aidé à organiser Forums et autres moments de prises de décision. Je pense que cela a également limité l’investissement des Fourmis au niveau de la gouvernance. Or, le renouvellement de nos élu•es est important : ça demande de l’énergie de tenir un bateau comme la Fourmilière sur plusieurs années !

La Fourmilière, c’est une expérimentation, on n’a pas beaucoup de recul, alors on apprend sur le tas, on teste. C’est ce qui est beau et éreintant dans notre supercoop ! Les crises diverses fédèrent. Là on est au moment de stabilisation et de trouver un modèle économique & humain qui nous est propre et qui nous permette d’anticiper au lieu d’être dans la réaction.

La Fourmilière est pleine de projets, d’envies. Avant tout, il faut continuer à en faire autre chose qu’un simple magasin (puisque ça, on en trouve partout !). Et ça ça ne se fera que si les Fourmis continuent à en faire leur lieu, et se sentir légitimes à se l’approprier, à organiser des rencontres et des échanges (conférences, débats etc).

Notre supercoop est ambitieuse, et quel plaisir de voir le chemin parcouru !

 
3) Peux tu nous partager quelques faits marquants (difficiles ou sympas)  de ton travail ?

J’ai dû changer 4 ou 5 fois de missions à la Fourmilière, et des anecdotes, j’en déborde.

Je me rappelle des premiers mois d’ouverture : on était 3 permanent-es et on faisait toutes les ouvertures et fermetures (6h30 le matin, 20h30 le soir). On a vite compris qu’on tiendrait pas le coup, on a transmis les codes et formé les SuperFourmis, ça a changé notre vie. On s’est quand même beaucoup fatigués, et puis tout le monde à des questions à La Fourmilière, c’est la sur-sollicitation constante. Une fois qu’on a défini un salarié référent par créneau, on a commencé à sacrément souffler.

Les réaménagements de planning réguliers, ouvrir des plages horaires, répartir les Fourmis, ça a été mon dada ! J’ai moins aimé ça quand les confinements et couvre-feu nous faisaient changer de fonctionnement toutes les 2 semaines… Tenir un magasin de bénévoles dans ces moments-là, c’était une tannée (mais nous on n’avait pas de pénurie de farine et de PQ au moins !).

J’ai adoré la gouvernance et les Conseils coopératifs. C’est passionnant de construire un modèle. J’ai eu l’occasion d’exercer des fonctions de co-gérante avec des élus bénévoles pendant 2 ans et c’était un sacré défi (pour la sérénité de mon sommeil aussi !).

Enfin, quel plaisir de rencontrer du monde tous les jours, de prendre des nouvelles de chacun•e, de faire partie d’un si grand réseau ! Il n’est pas rare que je croise des Fourmis en ville, ou dans des évènements festifs ! En parlant d’évènements festifs, merci aux organisateur•trices des Journées Portes Ouvertes, c’est toujours un plaisir de voir autant de monde en magasin.


4) Comment présentes-tu notre supermarché coopératif autour de toi? Que dirais tu à une Fourmi qui nous rejoint ?
Pour moi La Fourmilière est un supermarché qui appartient à ses clients, qui en sont également les associés. Il a été construit par ses membres qui le gèrent et le gouvernent. C’est un modèle qui répond au besoin actuel de trouver des produits bio et/ou locaux et/ou à prix réduit (chacun•e fait son panier comme il le souhaite !). 

Quand je vais dans des supermarchés aujourd’hui, je réalise le prix du bio notamment et l’industrialisation grandissante de tout ce qu’on mange. Et puis c’est angoissant ces grands magasins sans vie, avec dix fois trop de produits, du marketing à outrance et où personne ne fait attention aux autres.

La Fourmilière a pour vocation de relocaliser notre consommation, valoriser le travail des proucteurs & de créer un lieu de rencontres, de lien social, d’échanges sans hiérarchie. Ça demande une participation en temps qui est rétribuée par l’apprentissage, l’accès à des produits de qualité, l’immersion dans des pratiques d’auto-gestion humaines et collectives qui permettent à tout un chacun de sortir de son quotidien.


5) Qu’est ce que cette expérience t’a permis de découvrir? Qu’est ce qu’elle t’a apporté?

J’ai découvert le monde des approvisionnements ! Chaque salarié-e gère au moins une gamme de produits, pour moi c’était notamment les Fruits et Légumes, j’ai monté la gamme en tant que bénévole avec d’autres bénévoles puis j’ai géré les achats en tant que salarié•e. C’est pas simple de gérer du frais et il a fallu trouver le bon équilibre bénévole / salarié pour assurer un bon suivi et une meilleure qualité des produits.

J’ai développé ma posture de coordination avec l’animation des Conseils coopératifs et de certaines réunions de commission. Et tout ce qui va avec : la manière de dire, de faire, d’accompagner, la pédagogie, les outils adaptés à chacun•e (pas facile l’informatique à la Fourmilière, il faut trouver les bons usages !).

Et puis j’y ai construit des belles amitiés qui perdurent encore, et un ancrage fort dans le territoire avec les collègues d’autres structures de la transition.

C’était un vrai métier-passion pour moi. Ça a ses bons et ses mauvais côtés. La charge mentale et la fatigue de l’équipe salariée et de l’équipe coordinatrice est importante, et cette coopérative a parfois pris bien trop de place dans ma vie. Mais elle m’a fait vibrer et a maintenu mon espoir et mon envie de construire des nouveaux outils et manières de faire.

Je suis toujours très attachée à la Fourmilière et à ses personnes. Merci à tous•tes pour ce que vous m’avez apporté individuellement.


6) Tes projets pour l’avenir? 

Je reste bénévole à la Fourmilière, avec une petite coupure avant de reprendre des créneaux pour me laisser le temps de respirer et prendre un peu de répit avant mes prochaines aventures pro.

Je continuerai mon chemin dans la culture. Cela fait un moment que je chante en tant qu’amatrice dans des groupes de polyphonies populaires auto-gérés. Je rejoins dès novembre un trio professionnel de chants à danser en occitan et en français et vais également participer à la production d’autres artistes. Avec un peu de chance, je serai intermittente du spectacle dans un an 😉

Apéro départ D'anouck
Apéro départ Anouck

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